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Santé psychologique au travail – quelques questions fréquentes

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Préparé par :

France St-Hilaire, Ph. D., CRHA
Associate professor, Human Resource Management, Université de Sherbrooke
Director of Équipe sur les organisations en santé (ÉOS)
Scientific director, Global-Watch

Marie-Claude PELLETIER, MBA, ASC
President and founder, Global-Watch
Lecturer, Graduate Microprogram in Organizational Health, Université de Sherbrooke

1. « Quels sont les meilleurs moyens d'évaluer la santé mentale dans notre entreprise tout en s'assurant que nous avons toutes les données en main ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Questionnaire existant ou « maison » : Lorsque l’organisation peut se doter d’un outil de mesure fiable, il s’agit certainement de la meilleure solution. Il faut néanmoins prendre les précautions nécessaires pour mesurer les bons indicateurs de la santé mentale et psychologique; le questionnaire doit être fiable et de qualité (expertise interne ou externe). Il est également important de ne pas seulement mesurer des indicateurs d’atteinte à la santé mentale (p. ex. : dépression, épuisement), mais également des indicateurs précoces (p. ex. : détresse psychologique). Vous pouvez également vous référer à des organismes tels que l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) pour obtenir du soutien pour poser un diagnostic (p. ex. : dans le cadre de la norme Entreprise en santé). Par ailleurs, il est impératif de mesurer les facteurs de risque à la santé mentale afin de dresser un portrait des facteurs organisationnels présents et qui peuvent contribuer à la détresse des travailleurs puisque c’est sur ces facteurs que l’organisation pourra intervenir et non directement sur la santé psychologique.

Rappelons que la consultation des travailleurs créera des attentes. Il est donc impératif que l’étape du diagnostic s’inscrive dans un programme d’intervention où des actions seront posées suite à la communication des résultats. Sinon, il y un risque de créer de la résistance au changement et du cynisme pour des interventions subséquentes.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Tentez aussi de prendre le temps de rencontrer vos gestionnaires avant le déploiement du questionnaire afin de bien leur expliquer les raisons de la démarche de consultation auprès des employés. Sinon ceux-ci pourraient se sentir menacés, car vous poserez (via le questionnaire) sans doute des questions concernant les pratique de management et donc leur relation avec leur supérieur.

L’enjeu de la santé mentale en est aussi un de responsabilité partagée employeur-gestionnaire- salarié. Il est souhaitable de mesurer avec ce questionnaire comment les employées sont outillés pour faire face à ces enjeux et leurs habitudes à cet égard.

Une démarche tandem employeur-employés aura de meilleures chances de succès dans l’action.

2. « Ce ne sont pas toutes les entreprises qui ont les moyens de se munir d'un diagnostic, alors que faire pour agir ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Outils qualitatifs : L’INSPQ offre également un outil qualitatif validé : La grille d’identification des risques psychosociaux au travail qui permet de poser un diagnostic avec peu de ressources. Des groupes de discussions ou des entrevues peuvent également être menés.

Données existantes : Enfin, des indicateurs organisationnels comme l’absentéisme, le taux de roulement et les coûts en invalidé représentent également des indicateurs de l’état de santé des travailleurs.

Étudiants universitaires : Sachez que des étudiants peuvent réaliser des diagnostics organisationnels gratuitement ou à très faibles coûts dans le cadre de leur programme de formation. Plusieurs organisations font affaire avec des étudiants de 2e et 3e cycle qui offrent une intervention de qualité, supervisés par des spécialistes

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

La Grille d’identification des risques psychosociaux de l’INSPQ est effectivement un excellent outil pour établir un bon diagnostic à peu de frais. L’INSPQ offre aussi une formation peu dispendieuse pour l’utiliser et très bien faite. Une formation en ligne avec lectures, exercices et tests.

Données inexistantes : Si vous n’avez pas d’indicateurs internes, c’est le bon moment d’y voir, et de mettre en place les outils de mesure qui vous permettront de vous monter un tableau de bord à suivre régulièrement. N’hésitez pas à demander l’aide de votre assureur, votre courtier et votre conseiller en avantages sociaux.
Entre temps, vous pouvez utiliser les données globales qui circulent pour le Canada, le Québec ou votre industrie.

3. « Quelles sont vos recommandations pour la réalisation d'un sondage mesurant la santé psychologique? »

RÉPONSE DE FRANCE :

  1. Avant toute chose, il faut s’assurer qu’une suite sera donnée au sondage. S’il n’y pas d’intention d’intervention, le sondage ne fera que créer des attentes et un terreau fertile pour de la résistance au changement lors d’initiatives subséquentes.
  2. Choisir le bon sondage (questionnaire) auquel vous pourrez comparer vos résultats dans le temps. Prendre le temps de construire un sondage adapté à vos besoins est fondamental.
  3. Voir la réponse à la question Q2
RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Commencez par vos gestionnaires, afin qu’ils saisissent bien ce dont il s’agit. Cela les aidera à devenir des ambassadeurs de la démarche par la suite, en l’ayant vécu eux-mêmes. Si le questionnaire comporte une rétroaction personnalisée et confidentielle pour l’individu sur la base de ses réponses, c’est encore mieux, car cela facilitera son passage à l’action vers une démarche personnalisée.

4. « Après combien de temps peut-on voir les retombées d'un programme de gestion de la santé ? »

RÉPONSE DE FRANCE :


Fixer des objectifs quantitatifs, mais aussi qualitatifs : Il faut d’abord se fixer des objectifs; il s’agit de préciser ce que nous entendons et visons comme retombées. On pourra observer des changements qualitatifs plus rapidement (p. ex. : amélioration du climat de travail), alors que les indicateurs quantitatifs tels que le taux d’absentéisme, les coûts d’invalidité, voire la productivité pourront prendre quelques années (jusqu’à 5 ans pour les grandes organisations) à se manifester.

Facteurs qui influencent les retombées : Ce que nous savons, c’est que plusieurs facteurs
influencent les retombées d’un programme. Sans être une liste exhaustive, les questions suivantes pourront vous guider :

  • Est-ce que les bonnes actions ont été implantées pour les problèmes en cause ou les zones d’amélioration identifiées?
  • Est-ce que d’autres facteurs peuvent expliquer l’amélioration ou la détérioration de la santé psychologique des travailleurs (p. ex. : changement de PDG, fusion/acquisition, mise à pied, tout autre changement organisationnel)?
  • Quelle est la capacité de changement de l’organisation?
  • Quelle est la taille de l’organisation?
  • Est-ce une priorité de l’organisation et de sa direction?
RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

On voit généralement des retombées davantage qualitatives dès la première année. Quant au fameux retour sur investissement, il faut compter de 3 à 5 ans avant de pouvoir le mesurer. Entre- temps, les indicateurs organisationnels mentionnés en question 2 peuvent évoluer.

Sur les facteurs de succès pour assurer des retombées significatives et positives, le plus important à mon avis est de suivre un processus structuré en étapes. La norme Entreprise en santé en fournit un pertinent :

  1. Convaincre et mobiliser la direction
  2. Former un comité de pilotage qui articulera la stratégie et coordonnera le déploiement
  3. Établir un diagnostic basé sur les données organisationnelles et les données individuelles à l’aide de questionnaires et/ou de groupes de discussion
  4. Établir un plan d’action dont les interventions seront priorisées selon les enjeux de l’organisation ET les enjeux et besoin manifestés par le personnel,
  5. Mesurer (participation, satisfaction, évolution des indicateurs, impacts sur la santé, éventuellement le retour sur investissement au besoin)

5. « Un comité de pilotage devrait-il inclure des employés également ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Oui, surtout les employés. Comme en santé et sécurité ou pour tout changement organisationnel, une démarche paritaire est, sans conteste, un facteur de succès.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

En fait, la composition du comité de pilotage devrait représenter ce que j’appelle l’ « ADN » de
l’organisation : employés d’administration, d’usine, régions, ainsi que d’individus dont l’implication sera clé dans le déploiement : représentants RH, un membre de la direction, un représentant.

6. « Pourrait-on rendre obligatoire la création d'un comité sur la santé psychologique en entreprise (surtout pour les plus grandes entreprises)? »

RÉPONSE DE FRANCE :

La législation est l’une des mesures pour favoriser la prise en charge par les organisations. L’expérience européenne nous a appris qu’il y a des avantages et des inconvénients à la législation. Bien que les bénéfices de la législation surpassent les inconvénients, il reste que si l’entreprise ne croit pas en la démarche, elle va uniquement s’acquitter de son obligation et n’obtiendra pas de véritables résultats. Ainsi, on ne pourrait seulement imposer des mesures législatives sans convaincre les organisations de l’importance d’une démarche pour obtenir des retombées (humaines, financières et économiques). Il faut que la santé psychologique au travail devienne une valeur d’entreprise.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Comme on parle de transformation organisationnelle, de changement de culture à l’égard de la santé et la qualité de vie au travail, il faut d’abord être convaincu de l’importance de la démarche.

7. « Jusqu'où peut-on ou devrait-on s'impliquer et agir en tant qu'employeur dans la santé psychologique au travail? À partir de quand devrait-on se retirer ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Il s’agit d’une vaste question qui pourrait être longuement débattue. Au-delà des obligations légales (p. ex. : loi sur le harcèlement psychologique), l’employeur a tout avantage à offrir un milieu de travail sain et stimulant, et ce, pour une seule et unique raison : il en sera le premier bénéficiaire. Si certaines organisations jouissent d’imposants moyens et qu’elles peuvent offrir de multiples services aux employés (p. ex. : salle d’entraînement), il demeure que ce qui importe, c’est de se préoccuper et de prévenir les problèmes de santé psychologique. Il convient de préciser que le travail et l’employeur ne sont pas les uniques causes ou responsables des problèmes de santé psychologique. Toutefois, nous savons que les organisations et le travail sont d’importants vecteurs pour favoriser la santé des travailleurs. Plus une organisation est en mesure d’agir en amont, en promotion et en prévention, plus elle pourra retirer des avantages sur tous les plans allant jusqu’à l’attraction et la rétention des meilleurs talents. D’ailleurs, s’occuper de la santé psychologique devrait faire partie intégrante de la stratégie d’affaires.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

L’employeur a avantage à mettre en place des pratiques de gestion qui ne détruisent pas la santé mais la protège, voire la promeut. Il doit aussi mettre en place des outils et services permettant aux employés d’y avoir recours lorsqu’ils en ont besoin, que ce soit en cas de maladie mais aussi, et surtout, pour prévenir la maladie et éviter l’absentéisme et le présentéisme. L’employeur ou les gestionnaires, n’ont pas à agir de thérapeute, mais référer aux ressources disponibles.

8. « Pouvez-vous nous donner des exemples de facteurs de protection chez l’individu ou en entreprise, svp ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Il y en a plusieurs, mais je pourrais nommer les principaux.

Facteurs de protection organisationnels : Le plus puissant de facteur de protection est certainement le soutien social, et plus particulièrement celui qui provient du supérieur. La reconnaissance au travail est également facteur de protection qui permet de réduire les effets négatifs de facteurs de risque avec lequel nous ne devons composer (p. ex. : un changement organisationnel imposé). Pour plus d’information, consulter ces publications gratuites :

Facteurs de protection individuels : Nous pourrons nommer les stratégies d’adaptation au stress. Voir la publication suivante pour plus de détails : Étape de gestion du stress instantanée

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

En sus de ce que France mentionne, je dirais que comme un des problèmes le plus fréquemment mentionné est la charge de travail ou le manque de temps pour accomplir son travail, les facteurs suivants peuvent notamment être déployés : rééquilibrer les priorités, laisser aux employés une certaine latitude pour gérer leur temps et leurs journées, leur demander leur avis et leur permettre de proposer des changements et solutions, proposer des formations et de bons outils pour qu’ils puissent être performants.

9. « Quelle approche devons-nous adopter dans les milieux en régions éloignées (rareté de l'emploi) et/ou multiculturels où les travailleurs se disent chanceux de travailler malgré des conditions difficiles ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Il s’agit de l’un des défis que nous rencontrons de manière générale en santé et sécurité du travail, et également dans les organisations des grands centres urbains où les travailleurs sont de plus en plus diversifiés. Il ne s’agit pas d’un enjeu sur lequel je peux prétendre avoir une expertise et, conséquemment, offrir une réponse juste et pertinente. Je peux néanmoins vous suggérer de consulter les travaux de la Professeure Sylvie Gravel (UQAM) ainsi que cet article paru dans le magazine Prévention au travail : Sensibiliser les travailleurs immigrants à la SST

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Je pense que les mêmes outils de sensibilisation, questionnaires, pratiques de gestion peuvent être déployés pour

  1. éviter le présentéisme pour des raisons de maladie (on entre travailler malgré la contamination potentielle)
  2. favoriser en régions l’attraction et la rétention de la main d’œuvre qualifiée.

10. « Pourrait-on avoir le lien internet ou la référence complète pour l'étude sur le ROI (Renaud, 2008) ? »

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Vous pouvez retrouver un article publié dans le Canadian Journal of Public Health. Cet article documente les impacts observés. La mesure de retour sur investissement a été calculée par des actuaires pour le compte du Mouvement Desjardins.
Implementation and Outcomes of a Comprehensive Worksite Health Promotion Program, Canadian Journal of Public Health, Jan-Feb 2008

10. « Quels sont les outils de mesure que vous privilégiez pour sensibiliser l’individu à sa responsabilité ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Je ne sais si je pourrais traduire ce besoin en outils de mesure, mais je pense que la clé réside dans l’implication et la participation des employés. Lorsqu’ils participent aux décisions et aux actions à mettre en place, ils développent nécessairement un sentiment de responsabilité et d’imputabilité. Ainsi, plus ils sont investis et pris en compte dans le processus décisionnel, plus ils prendront conscience de leur pouvoir et de leur responsabilité.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

  1. Le fait de passer un questionnaire à l’individu lui permet de prendre conscience de sa situation
  2. Si, en plus, le questionnaire que vous administrez permet à l’employé de recevoir une rétroaction confidentielle et personnalisée selon ses réponses, avec des suggestions de gestes à poser et des ressources disponibles pour l’aider dans son changement de comportement, cela maximisera sa mobilisation et les chances d’avoir de l’impact.
  3. Un rapport exécutif regroupant, de manière dépersonnalisée, toutes les réponses des employés aux questions, vous permettra d’avoir d’excellents indicateurs qui faciliteront la priorisation par votre comité de pilotage des interventions à déployer
  4. Enfin, la façon dont vous communiquerez l’ensemble de l’opération de sondage, sera déterminante sur la manière dont les employés percevront la démarche pour eux-mêmes et les bénéfices qu’ils pourront en tirer. Au Canada, lorsque bien présentée, cette démarche peut être perçue comme un « cadeau ». La confidentialité du processus et des données est primordiale, autant dans les PERCEPTIONS que dans les FAITS.

11. « Comme l'espace de travail est le lieu où l'entreprise met ses valeurs et ses stratégies en pratique, que pensez-vous du rôle de l'espace? »

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

L’espace de travail joue un rôle crucial dans l’application des stratégies, car elle est la plateforme capable de relier les personnes entre elles et de contribuer au bien-être. L’espace de travail peut effectivement être une manière de concrétiser une partie de la stratégie. On peut penser à des lieux d’échanges informels (jeux, espace café-breuvages), bureaux ergonomiques, tables de réunion debout-assis, pièce et ameublement pour faire des siestes, installations facilitant la pratique du sport (rack sécurisé pour vélos, salle pour séances de danse, yoga, douches, etc.), salle à manger conviviale et avec des alternatives santé pour les repas, etc. Les options sont multiples, pas nécessairement dispendieuses et vos employés auront sans doute de bonnes idées.

13. « Quelles sont les exigences légales minimales en matière de santé psychologique au travail ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

La protection de la santé et de la sécurité du travail, dont la santé psychologique est traduite dans La Charte des droits et libertés, le Code civil ainsi que dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST). Je vous réfère à ce texte merveilleusement bien vulgarisé : Droit du travail Prévention des risques psychosociaux avec une spécialiste du domaine, la Professeure Anne-Marie Laflamme. Voici les principales obligations avec des références gratuites complémentaires :

12. « En tant que firme qui offre des services aux entreprises, comment encourager un service de promotion de la Santé à une entreprise qui n'a pas de services en place pour les employés ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Il faut bâtir un argumentaire sur les retombées pour l’employeur. Le principal argument concerne le coût de ne rien faire. Certains éléments de réponse ont été donnés dans les réponses précédentes, mais vous pouvez également vous référer à la page Web suivante : Santé et mieux-être en milieu de travail – Programme exhaustif de santé et de sécurité au travail. Elle aborde cette question et bien d’autres choses.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Il faut personnaliser votre approche auprès de votre client.
  1. Connaissez-vous ses enjeux d’entreprise? Avez-vous identifié comment prendre en considération la santé et le mieux-être de son personnel peuvent être clé dans son plan d’affaires? Les enjeux sont-ils d’ordre monétaire? D’impact de l’absentéisme sur les opérations? De frais d’assurances? De climat de travail? D’attraction ou de rétention des talents, d’objectifs en lien avec la responsabilité sociétale ou de développement durable ? Les motivations sont différentes d’une entreprise à l’autre.
  2. Connaissez-vous les décideurs à convaincre? Qui jour quel rôle, leurs convictions, habitudes de vie, motivations personnelles sur le sujet. Ces aspects seront aussi importants dans votre « stratégie de conviction ».

15. « Y a-t-il des études sont en cours qui permettront de renouveler les références. Il appert non évident de convaincre avec des références de 2006 »; « Comment expliquer le fait que les références de recherches se situent au début ou au milieu des années 2000 et que tout cela est encore très contemporain ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Les références qui datent des années 2001 à 2010 concernent les modifications des conditions de travail des cadres. Ces changements se sont amorcés au tournant des années 2000 et sont toujours bien révélateurs de la situation en 2016. Ainsi, il est encore d’actualité et connu qu’il y a davantage d’insécurité d’emploi (Lindholm, 2006), une intensification du travail pour tous les niveaux de gestion (Green, 2001) ainsi que des coupures d’emplois et des réorganisations ayant eu pour effets d’augmenter le nombre d’heures travaillées par les cadres (Mc Cann et al., 2004; Mintzberg et al., 2003).

Les références scientifiques ne sont pas exhaustives, ce n’était pas l’objectif d’une telle présentation. Les références ont été choisies pour appuyer ces conditions de travail. L’objectif était de décrire ces modifications et de les appuyer par des références de qualité et justes. Des références plus récentes existent (ainsi que d’autres études en cours), mais qui ne traduisant pas toutes cette idée de mutations du travail des cadres amorcée au début des années 2000. Ces nuances théoriques n’étaient pas adaptées au format de ce Webinaire grand public. De plus, la qualité des études citées est également à prendre en compte dans le choix des références.

Enfin, il me fera plaisir d’offrir une bibliographie plus exhaustive et récente à ceux et celles qui s’intéressent à un aspect bien particulier de la santé des cadres puisque je poursuis des études sur le sujet.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

En sus de ce que France mentionne, je vous encourage à recourir à des chercheurs universitaires quand vous voulez analyser ou tester des approches, c’est en collaborant de façon proactive avec le milieu universitaire que nous réussirons à avoir davantage de recherches et d’études solides. C’est aussi pour cette raison que nous avons coanimé France et moi ce webinaire : la recherche et
l’action.

13. « Comment s'y prendre pour s'occuper de la santé psychologique des cadres ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

  • Avec les mêmes étapes que pour celles des employés : un plan stratégique qui inclut un diagnostic, une intervention, un suivi et une évaluation des résultats.
  • Il y aura une différence quant à l’approche à adopter. Si la santé psychologique est taboue pour tous, elle est davantage pour les cadres. Qui plus est, leur capacité à gérer leur stress et à maîtriser leurs émotions sont des qualités recherchées et reconnues pour obtenir un poste de gestion. Reconnaître qu’ils sont aussi vulnérables peut représenter un échec à leurs yeux. Il faut dont prendre davantage de précautions et de temps pour bien les sensibiliser au fait que personne n’est à l’abri des problèmes de santé psychologique et que de les prévenir ne peut que les soutenir dans leur carrière de gestion et non l’inverse. Pour certains cadres, exprimer des difficultés ou une détresse peut leur faire craindre de ne pas pouvoir progresser dans leur carrière, voire de perdre leur poste.
  • Prévenir ou réduire les facteurs de risque organisationnels à la santé psychologique devra prendre une autre forme. Les enjeux pour les cadres sont délicats et peuvent revêtir une dimension politique. Par exemple, le conflit de rôle (une infirmière-chef qui doit appliquer des directives de la direction qui entrent en conflit avec ses valeurs d’infirmières : réduire le temps passé avec les patients) est l’un des facteurs de risque auquel les cadres sont plus exposés et plus sensibles. Pour réussir à traiter des vrais enjeux, il faut offrir aux cadres un espace de discussion soutenant et où l’engagement de la haute direction est inébranlable.
    • Créer des espaces de discussion de confiance idéalement entre les cadres eux- mêmes ou si c’est impossible à l’extérieur (p. ex. : groupe de codéveloppement externe à l’entreprise si nécessaire);
    • S’assurer que la direction est prête à revoir ses façons de faire.
  • Enfin, la clé du succès est certainement l’exemplarité comportementale des hauts dirigeants : « les bottines qui suivent les babines ». Pour que les cadres prennent soin de leur santé et de celles des autres, il faut que ça devienne une priorité de la direction, et cela commence par les dirigeants eux-mêmes.
RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :


Je considère France comme une spécialiste sur le sujet…

Et commencer votre stratégie par celle des cadres est clé. Pour qu’ils le vivent eux-mêmes dans une stratégie adaptée à leur réalité, pour qu’ils soient de meilleurs ambassadeurs le moment venu de déployer auprès des employés, pour qu’ils soient mieux outillés pour intervenir adéquatement, surtout sur le sujet de la santé psychologique.

14. « Dans une petite organisation de 4 personnes les tâches sont colossales. De s'ouvrir à son patron, n'est-ce pas un signe de faiblesse ? Comment aborder la question ? »

RÉPONSE DE FRANCE :


Deux excellentes questions. Pour la première :
La santé psychologique au travail demeure tabou; présenter des difficultés et en parler peut être perçu comme un signe de faiblesse. Pourtant, reconnaître notre état est la première étape pour trouver les meilleures stratégies. Nous serons beaucoup moins freinés de parler d’une blessure physique ou une maladie que de notre état psychologique. Pourtant, la santé psychologique est l’une des sphères de la santé globale, et personne n’est à l’abri de vivre des difficultés ou une maladie. En somme, il faut s’interroger d’abord sur le jugement que nous posons sur nous-mêmes avant de prétendre que nous serons jugés par les autres. Cette prise de conscience facilitera l’ouverture et l’écoute de l’autre face à notre situation.

Pour la seconde question :
Il faut dire que de manière générale, la prise en charge de la santé et de la sécurité du travail est un enjeu pour les PME qui sont confrontées à peu de ressources. Toutefois, les petites organisations bénéficient d’un grand avantage : moins de paliers hiérarchiques à convaincre.

Pour un travailleur pour qui la crainte du jugement (le sien et celui des autres) est un frein, on peut songer à se faire accompagner par un professionnel (p. ex. : psychologue) afin de trouver les mots pour exprimer ses besoins. Une préparation à une rencontre vous permettra d’avoir davantage confiance en vous, de clarifier votre objectif face à cette rencontre et de nommer les enjeux de manière constructive.

Si votre organisation souhaite entreprendre une démarche, sachez que le groupe Entreprise en santé a développé PME en santé pour répondre à ce besoin criant. Ce programme peut offrir un point de départ pour aborder la question ou pour donner un cadre de référence, un langage commun pour s’inspirer et l’adapter à votre réalité.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

La déstigmatisation à l’égard de la santé mentale est le premier pas à franchir pour libérer la parole. La santé mentale doit être abordée aussi ouvertement que des problèmes plus physiques. Une démarche comme PME en santé vous fournira des outils et ressources, adaptés à la réalité des PME pour sensibiliser et commencer à passer à l’action.

15. « Le diagnostic initial constitue déjà un changement et une crainte sur l'avenir pour les salariés. Agir sur la communication interne est-il selon vous le levier le plus pertinent ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

C’est un levier fondamental. Toutefois, s’attarder uniquement à la communication interne sur le diagnostic pourrait nous éloigner de l’objectif fondamental : passer à l’action et intervenir sur les facteurs de risque et de protection à la santé psychologique. Comme dans tout changement organisationnel, environ 30 % des membres de l’organisation seront convaincus qu’il faut aller de l’avant en début de projet. Ainsi, il faut poursuivre les efforts tout en demeurant à l’écoute. Lorsque ceux qui résistent verront les changements s’opérer pour le mieux, c’est à ce moment qu’ils se rallieront tranquillement. Communiquer certainement, mais tout en agissant. La communication devra accompagner toutes les étapes du changement et les succès devront être diffusés.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Je pense aussi qu’une communication tôt dans le processus, claire, authentique et transparente, ayant au préalable reçue la mobilisation de l’équipe de gestion et des différentes parties prenantes internes favorisera l’appropriation du processus par les salariés et pourra les rassurer, en revanche, les intentions doivent être réelles et senties dans les faits pour être crédibles. Enfin, le simple fait que l’entreprise prenne le temps de faire un bon diagnostic, prévoyant ainsi l’écoute des besoins et les préoccupations des salariés doit être vu comme rassurant pour ces derniers car leurs préoccupations sont ainsi entendues.

16. « Notre organisation présente "Entreprise en santé" mais la majorité des gestionnaires y voit un ajout dans leurs tâches. On dirait que la DRH veut faire bonne impression en implantant ce programme alors que les cadres sont essoufflés. Qu'en pensez-vous ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

Il est difficile de se prononcer sur une situation particulière sans avoir tous les éléments de contexte. Néanmoins, votre situation permet de soulever certains facteurs clés dans l’implantation de programme d’intervention en santé psychologique au travail :

  • L’importance d’évaluer la faisabilité de l’intervention et le moment pour implanter le changement (parfois attendre quelques semaines en période de surcharge peut faire une différence);
  • Tenter d’améliorer les pratiques existantes plutôt que de seulement ajouter de nouvelles initiatives (parfois de seulement maintenir de bonnes actions sera suffisant puisque les cadres et les employés ne pourraient en soutenir davantage);
  • Se préoccuper d’abord de la santé des cadres pour que l’intervention en santé puisse être vraiment efficace;
  • Intégrer la santé psychologique au travail dans le plan stratégique de l’entreprise pour qu’elle influence la prise de décisions;
  • La santé doit également être une valeur pour tenter t’obtenir l’engagement de tous les acteurs dans la démarche.
RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

Si la valeur ajoutée de la démarche n’est pas perçue par les gestionnaires, ils la percevront comme une tâche de plus à faire. En revanche, si les bénéfices POUR EUX sont bien compris, ils s’y investiront plus facilement. À titre d’exemples,

  • Si le gestionnaire d’une direction de 50 employés connait ses chiffres d’absentéisme et doit régulièrement composer avec des absences imprévues au travail occasionnant des retards dans les opérations, il comprendra qu’il a avantage à diminuer ces absences et à mettre en place des mesures préventives.
  • S’il a des difficultés à recruter la main d’œuvre adéquate, il peut être pertinent pour lui de « vendre » cette démarche aux éventuels employés qui le recherchent dans leur prochain emploi.

Pour compléter vos connaissances et outils pour passer à l’action de manière stratégique sur le sujet, France et moi vous invitons à consulter le microprogramme de 2ème cycle en santé organisationnelle de l’Université de Sherbrooke, offert au Campus de Longueuil.

17. « Quel est le véritable pouvoir d'un employé dans un milieu où la direction ne voit pas l'importance de miser sur la santé physique et psychologique au travail ? »

RÉPONSE DE FRANCE :

L’engagement de la direction est un levier essentiel. Toutefois, certaines organisations se vont vues transformées par des changements initiés par les employés. Certains ont créé des clubs de marche et de course, d’autres proposent de nouvelles façons d’animer les réunions pour favoriser davantage d’implication et la participation de tous ou encore des meilleures façons de faire pour réduire la charge et le temps consacrés à une tâche. Ce ne sont que des illustrations du pouvoir des employés. Bien qu’ à titre d’employé on ne puisse pas toujours mener des changements organisationnels majeurs, il demeure que nous avons du pouvoir sur certains des irritants organisationnels. Ainsi, on peut imaginer le changement de bas en haut (bottom-up), et c’est l’une des façons de sensibiliser et de convaincre l’employeur. Pour certaines organisations, ce fut même la bougie d’allumage pour la mise en place d’un programme organisationnel.

RÉPONSE DE MARIE-CLAUDE :

On peut aussi penser que quel que soit l’environnement où travaille l’employé, il doit d’abord prioriser sa santé et développer des outils et moyens de la préserver. Il en sera le premier bénéficiaire.

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Author: christine

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