Connecté pour travailler, pour socialiser, pour relaxer… Seriez-vous techno-stressé ?

FLASH SCIENTIFIQUE GLOBAL-WATCH ET PISTES D’ACTION

Technostress et épuisement professionnel

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Les technologies occupent une place résolument importante dans nos vies personnelles et professionnelles. La pandémie actuelle nous propulse cependant plus que jamais dans le monde virtuel. Entre réunions et apéro virtuels, cours en ligne pour les enfants, séries sur le web pour décrocher, les écrans et les claviers nous accompagnent à tout moment de la journée. Fatigue, sentiment de surcharge, anxiété lorsque le téléphone vibre ou un besoin incontrôlable de consulter ses courriels sont autant de réactions associées au technostress. Comment être connecté sans être techno-stressé ?

NOS PARTENAIRES

Cette initiative a été rendue possible grâce à une collaboration avec l’Université de Sherbrooke et est soutenue par le Scientifique en Chef du Québec avec les Fonds de recherche du Québec.

Justine Dima

Justine Dima est candidate au doctorat en management à la faculté des sciences de l’administration à l’Université Laval. Sa thèse porte sur les attentes et les préoccupations des travailleurs concernant l’utilisation de l’intelligence artificielle dans le cadre de leur emploi.

Les contenus en trame mauve constituent les recommandations de la doctorante.

Qu’entend-t-on par? [1][*]

Technostress

État de tension psychologique associé à la présence et à l’intensité de facteurs de stress associés à l’utilisation des technologies de l’information (aussi appelés techno-stresseurs). Les techno-stresseurs peuvent prendre plusieurs formes :

  • Techno-insécurité : sentiment d’insécurité provoqué par la technologie qui représente une menace de perte d’emploi (p. ex. : être remplacé par une nouvelle technologie qui réalise le travail).
  • Techno-incertitude : sentiment d’incertitude quant aux technologies utilisées (p. ex. : apprendre à utiliser un nouveau logiciel implanté par l’organisation).
  • Techno-complexité : sentiment d’incompétence généré par la difficulté à utiliser la nouvelle technologie (p. ex. : devoir consacrer du temps et des efforts pour apprendre à utiliser un nouvel ordinateur).
  • Techno-invasion : sentiment d’intrusion technologique qui brouille les frontières souhaitées entre le travail et les autres domaines de la vie (p. ex. : vie de famille).
  • Techno-surcharge : sentiment de surcharge de travail causé par l’efficacité et la rapidité avec laquelle les demandes de travail sont communiquées via des technologies telles que les téléphones intelligents.

Tension psychologique

La tension ressentie par les travailleurs qui résulte de la perception de facteurs de stress dans leur environnement de travail. Parmi ces tensions,

  • Conflit travail-famille : lorsque les exigences de la famille et celles du travail sont concurrentes, voire incompatibles.
  • Détresse au travail : état psychologique de tension du travailleur lorsque les demandes au travail menacent de dépasser les capacités et les ressources pour y faire face, et qu’il se sent incapable de répondre adéquatement aux demandes.

Stratégie d’adaptation 

Lorsqu’un travailleur ressent de la tension, il essaie (consciemment ou inconsciemment) de la gérer et de l’atténuer par des stratégies d’adaptation afin de réduire les effets négatifs (p. ex. : épuisement professionnel). Les stratégies d’adaptation peuvent prendre deux formes selon leur efficacité :

  • Adaptée : réaction axée sur la résolution de problème (p. ex. : apprendre à utiliser un logiciel).
  • Inadaptée : réaction axée sur l’inaction, le désengagement et le déni (p. ex. : éviter d’utiliser un logiciel). Elle permet simplement au travailleur de se sentir mieux temporairement.

Épuisement professionnel 

Réduction des ressources mentales du travailleur.

*L’emploi du masculin pour désigner des personnes n’a d’autres fins que celle d’alléger le texte.

 

QUE RÉVÈLENT LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE?

La techno-invasion augmente le risque de conflits travail-famille.

Le sentiment d’intrusion de la technologie (techno-invasion) dans notre vie augmente les conflits travail-famille puisque nous aurons moins de temps à consacrer à nos activités familiales et personnelles. Plus le nombre d’heures travaillées par jour est élevé, plus le travailleur vivra de conflit travail-famille, et moins il sera en mesure d’utiliser des stratégies adaptées pour atténuer les effets négatifs du conflit.

La techno-surcharge augmente la détresse au travail.

Parce que la technologie permet de recevoir encore plus facilement et rapidement des demandes de nos collègues et de nos supérieurs (p. ex. : recevoir simultanément des courriels, des clavardages ainsi que des messages textes), les travailleurs doivent assumer des tâches supplémentaires, les prioriser et gérer les interruptions de tâches causées par la technologie.

Le genre, l’âge et le nombre d’heures travaillées par jour influencent l’adoption de stratégies adaptées.

Plus le nombre d’heures de travail par jour augmente, plus il y a des conflits travail-famille ce qui diminue la capacité du travailleur à adopter des stratégies adaptées au profit de stratégies inadaptées (p. ex. : faire des heures supplémentaires ne permet pas au travailleur d’aider son conjoint à préparer le repas et d’accompagner les enfants dans leur devoir ou encore de consacrer du temps à apprendre à utiliser un nouveau logiciel au travail).

Être une travailleuse ou être plus âgé favorise l’utilisation de stratégies adaptées.

Les techno-stresseurs génèrent des tensions qui influencent à leur tour les stratégies d’adaptation et, conséquemment, le risque d’épuisement professionnel.

Les stratégies adaptées produisent un effet tampon entre les techno-stresseurs (techno-invasion et techno-surcharge) et l’épuisement professionnel. À l’inverse, les stratégies inadaptées augmentent le risque d’épuisement professionnel.

Les conséquences des stratégies inadaptées (p. ex. : éviter de modifier sa gestion des courriels et des messages instantanés et répondre dès réception pour éviter le nouvel apprentissage demande davantage d’énergie) entraîneront davantage d’épuisement professionnel que lorsqu’on a recours à des stratégies adaptées (p. ex. : apprendre une nouvelle méthode de gestion de suivi et de classement des courriels qui demandera moins d’énergie).

 

QUE PEUVENT FAIRE LES EMPLOYEURS, LES GESTIONNAIRES ET LES EMPLOYÉS?

POUR LES EMPLOYEURS ET LES GESTIONNAIRES

Réduisez les techno-stresseurs de l’environnement de travail

  • Établissez une politique qui précise vos attentes à l’égard de l’usage des technologies dans le cadre du travail (p. ex. : établir des heures d’envoi et de réception de courriels; encourager les envois différés).
  • Mettez en place une culture consistant à envoyer les courriels uniquement aux personnes concernées afin de diminuer le sentiment de surcharge.
  • Dressez un portrait des différentes technologies numériques auxquelles les travailleurs ont accès et lesquelles ils doivent utiliser afin de réaliser leurs tâches ; évaluez si ces outils sont encore pertinents, en nombre raisonnable et si vos travailleurs ont les compétences pour les utiliser.
  • Considérez la formation et l’utilisation des technologies ainsi que le temps de gestion d’envoi et de réception d’information numériques (p. ex : volume de courriels à traiter) dans l’évaluation de la charge de travail d’un travailleur.

Offrez les ressources et formez à l’utilisation saine des technologies

  • Outillez vos employés pour qu’ils soient en mesure de réaliser adéquatement leur travail en leur offrant les moyens (p. ex. : personnel de soutien technique, site web ou numéro de téléphone) pour parvenir à faire un meilleur usage des technologies.
  • Investissez dans le développement des compétences des employés afin qu’ils réagissent de manière adaptée (p. ex. : gestion des priorités) pour faire face aux techno-stresseurs. La formation leur permettra de prendre conscience du stress induit par la technologie, de ses conséquences, mais aussi de leur pouvoir d’action (p. ex. : déterminer des plages horaires définies pour consulter ses courriels afin de réduire la techno-surcharge).
  • Offrez des formations sur les risques de dépendance numérique et sur une saine utilisation des technologies à la fois pour la sphère professionnelle et personnelle.

Créez des systèmes de récompenses

  • Récompensez le comportement d’un employé qui use d’une stratégie adaptée (p. ex. : souligner sa bonne pratique qui consiste à ne pas envoyer de courriels après les heures de travail).

POUR LES EMPLOYÉS

Développez et gérez vos stratégies d’adaptation

  • Prenez conscience de vos actions et tentez de vous améliorer (p. ex. : prendre l’habitude de ne pas répondre à vos courriels le soir et les fins de semaine ainsi que limiter votre temps d’écran).

Gérez les techno-stresseurs

  • Prenez l’initiative de discuter avec votre gestionnaire et vos collègues quant aux règles d’utilisation des technologies (p. ex. : délai attendu pour le retour des courriels, critères pour décider des personnes à inclure dans un courriel).
  • Prévoyez des moments dans votre journée où les appareils électroniques seront fermés, et prévoyez des moments de détente qui n’incluent aucun moyen technologique (p. ex. : téléphone cellulaire, télévision).
POUR CITER CE FLASH SCIENTIFIQUE GLOBAL-WATCH

Dima, J. (2020). Connecté pour travailler, pour socialiser, pour relaxer… Seriez-vous techno-stressé? Flash scientifique Global-Watch, disponible sur www.global-watch.com

Flash rédigé sous la direction de France St-Hilaire, professeure titulaire en ressources humaines à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke.

POUR CITER LES ARTICLES ORIGINAUX DES ÉTUDES

Gaudioso, F., Turel, O., & Galimberti, C. (2017). The mediating roles of strain facets and coping strategies in translating techno-stressors into adverse job outcomes. Computers in Human Behavior, 69, 189-196.

[1] Adaptée de Gaudioso et al. (2017)

Pierre Breton
Author: Pierre Breton