Interventions positives en ligne pour favoriser
le bien-être des salariés : est-ce efficace?
Interprétation scientifique
Issues du courant de la psychologie positive, les interventions dites positives sont en vogue, bien qu’elles soient encore marginales en contexte organisationnel. Ce type d’intervention fait référence aux stratégies utilisées par les organisations pour agir sur les dimensions positives de la santé des salariés. Parallèlement, il y a de plus en plus d’interventions organisationnelles par le biais de programmes en ligne puisque ceux-ci ont l’avantage d’offrir une approche brève, innovante, rentable et largement accessible. Départageons le vrai du faux : les interventions positives en ligne sont-elles efficaces pour favoriser le bien-être subjectif des salariés?
Afin de connaître l’efficacité des interventions positives en ligne, Neumeier et ses collègues, dans une étude publié en 2017, se sont penchés sur les effets de l’utilisation de deux programmes portant sur le bien-être subjectif des salariés. Ils cherchaient à savoir si une intervention positive en ligne, brève, rentable, flexible et largement accessible améliore le bien-être subjectif général et le bien-être subjectif spécifique au travail des salariés.
Clarification de notre experte :
Le bien-être subjectif général concerne les émotions ressenties et le niveau de satisfaction par rapport à sa vie en général.
Le bien-être subjectif spécifique au travail concerne les émotions ressenties et le niveau de satisfaction par rapport à son travail.
Conseillère-experte :
Marie-Hélène GILBERT, professeure adjointe en management, Université Laval
Rédacteurs
France ST-HILAIRE, professeure agrégée en gestion des ressources humaines, Université de Sherbrooke
Maude VILLENEUVE, professionnelle de recherche, Université de Sherbrooke
Stéphanie BÉRUBÉ, professionnelle de recherche, Université de Sherbrooke
Rébecca LEFEBVRE, professionnelle de recherche, Université de Sherbrooke
Michel PÉRUSSE, professeur associé, Université de Sherbrooke
Cette initiative a été rendue possible grâce à une collaboration avec l’Université de Sherbrooke.
QU’ENTEND-ON PAR : bien-être subjectif ?
Le bien-être subjectif[1] fait référence à la perception des salariés quant à leur propre niveau de :
- bien-être affectif : lorsque leurs émotions positives (être détendu, serein ou exalté) l’emportent sur leurs émotions négatives (être nerveux, agacé ou déprimé);
- bien-être cognitif : lorsque que l’évaluation de leur satisfaction par rapport à leur vie est positive.
Miser sur des interventions positives pour accroître le bien-être subjectif.
Le bien-être subjectif et l’absence de détresse sont au cœur de la santé psychologique. Intervenir auprès d’un salarié lorsqu’il présente des symptômes de détresse, en l’orientant par exemple vers un programme d’aide, n’est pas une action qui vise à améliorer le bien-être subjectif. Pour accroître le bien-être subjectif, il faut plutôt miser sur des interventions positives.
Exemples d’interventions positives.
Les interventions positives sont des stratégies cognitives (centrées sur les pensées) et comportementales (centrées sur les comportements) mises de l’avant pour agir sur des dimensions positives de la santé des salariés. Ces actions quotidiennes peuvent avoir des retombées positives à la fois sur le bien-être subjectif du salarié qui les entreprend, mais également sur celui de ses collègues, favorisant ainsi un climat de travail positif.
Ces stratégies peuvent prendre plusieurs formes pour les salariés, comme :
- envoyer un courriel à son collègue pour le remercier de son aide dans un dossier (stratégie comportementale);
- apporter un café à ses collègues pour la réunion (stratégie comportementale);
- proposer d’utiliser les talents de l’un de ses collègues pour un mandat particulier
(stratégie cognitive).
Clarification de notre experte :
La santé psychologique est un concept vaste, composé de deux dimensions qui se distinguent entre elles :
- la présence de bien-être psychologique;
- l’absence de détresse psychologique.
La santé psychologique peut être générale, mais aussi spécifique à certains contextes tels que le travail.
Référence complète
Neumeier, L. M., Brook, L., Ditchburn, G., & Sckopke, P. (2017). Delivering your daily dose of well-being to the workplace: a randomized controlled trial of an online well-being program for employees. European Journal of Work and Organizational Psychology, 26(4), 555-573.
Méthode
Les salariés ont été recrutés par le biais des médias sociaux, des journaux et de la radio.
Profil des participants
- 303 salariés
- 67 % étaient des femmes
- 32 pays, principalement l’Australie, l’Allemagne, le Royaume-Uni et les États-Unis
- 15,4 % ont utilisé un téléphone intelligent (smartphone) et 7,4 % ont utilisé une tablette
Les chercheurs ont évalué deux programmes différents d’interventions positives en ligne (liés à la gratitude et aux composantes du bien-être) dans le cadre d’une étude longitudinale expérimentale.
Les chercheurs ont formé aléatoirement trois groupes parmi les salariés. Avant de débuter les programmes, ils ont sondé les salariés quant à leur niveau de bien-être subjectif initial. Ils ont répété cette étape deux semaines après la fin des programmes. Les salariés du groupe 1 et du groupe 2 avaient chacun sept exercices quotidiens à effectuer. Le groupe 3 était un groupe témoin et ne faisait aucun exercice.
Étude longitudinale expérimentale?
Une étude est qualifiée de longitudinale lorsque les mêmes mesures ont été prises à différents moments dans le temps, auprès des mêmes participants. Une étude est qualifiée d’expérimentale lorsque les chercheurs sont intervenus auprès de certains participants pour modifier quelque chose et les comparer aux autres participants qui n’ont pas reçu l’intervention (groupe témoin).
QUE RÉVÈLENT LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE?
VRAI ! Les interventions positives en ligne sont efficaces pour favoriser le bien-être subjectif des salariés.
- Les interventions positives en ligne ont amélioré les deux dimensions du bien-être subjectif des salariés.
Une amélioration des deux dimensions du bien-être subjectif a été observée chez les salariés ayant participé à l’un ou l’autre des programmes comparativement aux salariés du groupe témoin, qui n’ont rapporté aucune amélioration.
- Les retombées des interventions positives en ligne ont été influencées par le bien-être subjectif initial des salariés.
Les résultats montrent que plus le bien-être subjectif initial des salariés est faible, plus les interventions positives en ligne ont été efficaces. Ce résultat pourrait s’expliquer par l’effet de seuil selon lequel à partir d’un certain niveau de bien-être subjectif, les exercices ont moins d’effet.
- Des programmes en ligne brefs, innovants, rentables et largement accessibles ont représenté un moyen efficace pour intervenir en contexte organisationnel.
Les résultats de l’étude montrent l’efficacité des interventions en ligne autoadministrées par les salariés pour améliorer leur bien-être subjectif.
Parce qu’il faut toujours interpréter une étude avec prudence
Seule la perception des salariés quant à leur niveau de bien-être subjectif a été mesurée. Pour les recherches futures, les chercheurs suggèrent d’intégrer des mesures plus objectives, notamment sur les retombées pour l’organisation (p. ex. : le taux d’absentéisme, la performance, le taux de roulement). De plus, il apparaît nécessaire de reproduire l’étude auprès de participants diversifiés en termes de niveau d’éducation, d’âge, de culture et de motivations à participer à un tel programme.
PISTES D’ACTIONS POUR LES EMPLOYEURS
Qu’est-ce que les organisations peuvent retirer des résultats de cette étude?
- Les interventions positives sont une avenue prometteuse pour favoriser le bien-être subjectif général et le bien-être subjectif spécifique au travail de vos salariés;
- Il vous est possible d’offrir des programmes d’interventions positives par une approche en ligne brève, innovante, rentable et largement accessible;
- Les appareils mobiles sont des outils efficaces pour livrer ce type d’intervention à vos salariés. Ils sont d’autant plus intéressants si votre organisation exige une très grande mobilité de la part des salariés ou si ces derniers n’ont pas accès à un ordinateur.
Comment choisir un programme en ligne d’interventions positives ?
Si un programme d’interventions positives en ligne vous intéresse, assurez-vous de prendre en considération les éléments qui suivent et de poser des questions sur les fondements scientifiques de ce programme afin que les efforts et les ressources investis portent leurs fruits.
Éléments à considérer
- Identifier les besoins de vos salariés;
- Identifier ce que vous souhaitez spécifiquement développer chez vos salariés ainsi que l’objectif poursuivi;
- Identifier dans la documentation scientifique les programmes ayant fait leurs preuves et faire un choix basé sur des critères établis;
- Identifier le meilleur moyen d’offrir ce programme;
- Identifier les indicateurs permettant d’évaluer les retombées de ce programme;
- Impliquer vos salariés tout au long de la démarche;
- Ne pas hésiter à vous faire accompagner par des experts du domaine reconnus.
COMPLÉMENT GLOBAL-WATCH
Remarques
Ce type d’intervention positive en ligne permet de rejoindre un large groupe de salariés de manière innovante et à peu de frais. Cet outil pourrait être pertinent dans le contexte d’une organisation qui souhaite travailler sur le climat de travail et la reconnaissance. L’application d’un processus structuré vous permettra de confirmer si une telle initiative serait pertinente dans votre milieu.

POUR CITER CETTE INTERPRÉTATION SCIENTIFIQUE GLOBAL-WATCH
Gilbert, M.-H., St-Hilaire, F. Bérubé, S., Villeneuve, M., Lefebvre, R., Pérusse, M. (2018). Interventions positives en ligne pour favoriser le bien-être des salariés : est-ce efficace? Interprétation scientifique Global-Watch disponible sur www.global-watch.com
POUR CITER L’ARTICLE ORIGINAL DES AUTEURS DE L’ÉTUDE
Neumeier, L. M., Brook, L., Ditchburn, G., & Sckopke, P. (2017). Delivering your daily dose of well-being to the workplace: a randomized controlled trial of an online well-being program for employees. European Journal of Work and Organizational Psychology, 26(4), 555-573.
Références
1. Définition adaptée de 1) Diener, E. (1984). Subjective well-being. Psychological Bulletin, 95(3), 542–575.doi:10.1037/0033-2909.95.3.542 et Diener, E. (2012). New findings and future directions for subjective wellbeing research. American Psychologist, 67(8), 590-597. doi: 10.1037/a0029541
