Retour au travail – l’affaire de tous !

INTERPRÉTATION SCIENTIFIQUE

Gestion de l’invalidité et du retour au travail

Experte : 

Marie-José Durand, Centre d’action en prévention et réadaptation de l’incapacité au travail, Université de Sherbrooke, QC, Canada
Titulaire de la Chaire en réadaptation au travail Fondation J. Armand Bombardier et Pratt & Whitney Canada.

 

Camille Roberge

 

Rédacteurs : 

Étienne FOUQUET, auxiliaire de recherche, Université de Sherbrooke
Marie-Élise LABRECQUE, professionnelle de recherche, Université de Sherbrooke

Cette initiative a été rendue possible grâce à une collaboration avec l’Université de Sherbrooke.

On ne revient pas au travail suite à des problèmes de santé de la même manière qu’on revient de vacances dans le sud ! Chaque année, des milliers de salariés reprennent le travail suite à une absence prolongée. Bien que les organisations souhaitent récupérer rapidement leurs salariés, il s’agit d’une période critique où une grande attention doit être donnée pour s’assurer d’un retour durable. Quelles sont donc les meilleures pratiques pour y arriver ?

En s’attardant sur les troubles musculosquelettiques et les troubles mentaux communs, qui représentent la majorité des causes d’absence prolongées au travail, Durand et collaborateurs (2014) proposent un processus de retour au travail en six étapes qui implique les différentes parties prenantes de l’organisation. Les découvertes des auteurs établissent que bien que les causes de ces troubles soient différentes, ils bénéficient également de ce processus. Qui plus est, il appert que mieux le retour au travail est accompagné, plus l’organisation en tire des bénéfices à long terme !

Définir les concepts

Trouble mental commun

Le terme trouble mental commun (TMC; en anglais common mental disorder) est généralement utilisé pour désigner des personnes atteintes d’un trouble anxieux, de dépression ou d’un trouble de l’adaptation – les troubles les plus courants dans la population active.

Retour au travail

Un salarié est considéré en retour au travail (RAT) lorsqu’il reprend des tâches à la suite d’une absence au travail due à une blessure ou à un trouble mental.

Trouble musculosquelettique

Les troubles musculosquelettiques (TMS) se définissent comme des douleurs ou autres symptômes ressentis au cou, au dos ou aux différentes parties des membres supérieurs ou inférieurs. Ils touchent les tendons, les muscles, les ligaments, les tissus autour des articulations ou certains nerfs et proviennent d’un cumul de dommages (INSPQ, 2019).

Les 6 parties prenantes du retour au travail (RAT)

Haute direction

Responsable de la gestion des absences du travail

Manager

Collègues

Représentant syndical

Coordonnateur du RAT1

MÉTHODE

Revue de la littérature
Le processus de RAT proposé par les auteurs a été élaboré grâce à une revue intégrative de la littérature scientifique sur les meilleures pratiques entourant le RAT suite à un TMS ou un TMC.

1 Le coordinateur de retour au travail (RAT) est une personne désignée par l’organisation pour coordonner toutes les actions liées au processus de RAT d’un salarié. Il peut être un salarié de l’organisation ou d’une entreprise extérieure. Idéalement, le coordinateur du RAT devrait être neutre et être ni lié à la direction de l’oganisation ni aux intérêts syndicaux. Les tâches de coordination RAT peut être réalisées à temps partiel ou à temps plein, selon la structure et la taille de l’organisation. En France, les tâches de coordination de RAT peuvent être réalisées par le médecin du travail en partenariat avec le travailleur social. Au Canada, le conseiller en ressources humaines est généralement la personne qui réalise ces tâches.

Que peuvent faire les organisations

Les 6 étapes du RAT sont reprises ici, en mettant l’accent sur les responsabilités des différentes parties prenantes de l’organisation et jugées prioritaires.

Étapes

Parties prenantes

Pistes d’actions spécifiques

1

Arrêt et période de récupération

Responsable de la gestion des absences du travail

  • Suivant la réception du billet médical, s’assurer de faire respecter la période de récupération du salarié et les recommandations du médecin traitant ;
  • Prendre contact avec le coordonnateur du RAT au début de l’absence pour lui faire part de la situation du salarié.

Coordonnateur du RAT

  • Écrire une lettre au salarié, fournissant les coordonnées des personnes ressources et expliquant le processus global de RAT ;
  • Offrir au salarié, en plus du suivi médical, des services spécialisés pour répondre à ses besoins cliniques ou sociaux spécifiques afin de le soutenir dans le processus de récupération.

2

Premier contact avec le salarié

Coordonnateur du RAT

  • Contacter le salarié par téléphone quelques jours ou semaines après le début de son absence pour lui offrir un accompagnement durant sa période de récupération, tout en respectant les périodes de congés autorisées par son médecin traitant ;
  • Maintenir la relation entre le salarié absent et le lieu de travail à travers une bonne communication ;
  • Expliquer au salarié le rôle de chaque intervenant impliqué dans le RAT et vérifier s’il souhaite être contacté par son manager pendant son absence, ou une autre personne de son choix ;
  • Prévoir une réunion d’évaluation à tenir lorsque le salarié se sent en mesure de participer.

3

Évaluation du salarié et de son travail

Coordonnateur du RAT

  • Rencontrer le salarié pendant son absence pour identifier conjointement les obstacles et les leviers associés à son rétablissement et à son RAT. Ces facteurs peuvent être de nature clinique (p. Ex. Intensité des symptômes), sociale (p. Ex. Soutien de collègues) ou organisationnelle (p. Ex. Charge de travail) ;
  • Évaluer les facteurs de risque professionnels et les exigences de l’emploi en collaboration avec le salarié et le manager, et avec les cliniciens au besoin ;
  • Inclure le salarié dans cette évaluation pour encourager sa participation active au processus de RAT en identifiant les problèmes et les solutions potentielles. La participation active du salarié est cruciale pour le RAT.

4

Développement du plan et aménagements

Haute direction

  • Promouvoir le coordonnateur du RAT pour que son rôle soit connu et reconnu par tous les membres de l’organisation ;
  • Offrir la possibilité aux managers de mettre en place des horaires de travail plus flexibles, réduisant temporairement les exigences de production du service, le remplacement surnuméraire permettant une redistribution équitable des tâches sans surcharger certains services ou la libération des ressources financières nécessaires pour le remplacement surnuméraire.

Manager

  • S’assurer de connaître les capacités et les limites du salarié afin de pouvoir proposer des aménagements de travail appropriés ;
  • Mettre en pratique un plan d’aménagement du travail accepté par tous les intervenants et assurer la liaison entre le salarié et les parties prenantes.

Collègues

  • Soutenir le salarié lors du RAT.

Coordonnateur du RAT

  • Mener une action concertée (c’est-à-dire mise en commun des ressources et de l’expertise des différents acteurs impliqués dans la gestion des absences du travail dans le but d’atteindre l’objectif commun d’un RAT efficace et durable) ;
  • Les aménagements de travail sont conçus pour combler les écarts entre les capacités (temporairement ou définitivement réduites) du salarié et les exigences de l’emploi ;
  • Organiser une réunion où le plan de RAT peut être élaboré, en contactant le salarié, le manager, les collègues et au besoin les professionnels de la santé et les représentants syndicaux ;
  • Soutenir le manager dans la tâche de proposer un plan de RAT avec aménagements en discutant des attentes respectives du manager et du salarié quant au RAT, et aborder, si applicable, les problèmes de performance ;
  • Informer les collègues des capacités du salarié qui justifient des aménagements de travail, car cela diminue le risque de discrimination de leur part et les encourage à apporter leur soutien.

5

Reprise du travail

Haute direction

  • Soutenir le manager à mettre en œuvre les aménagements de travail, par exemple en ajustant temporairement les exigences de production.

Manager

  • Préparer les collègues au RAT du salarié afin de s’assurer d’un accueil favorable ;
  • Encourager le soutien des collègues au salarié ;
  • En présence de discrimination, aborder celle-ci avec le collectif de travail ou les personnes concernées.

Représentant syndical

  • Soutenir et rassurer le salarié pendant le processus de RAT.

Coordonnateur du RAT

  • Communiquer avec les intervenants concernés pour déterminer si la progression du salarié suit le plan fixé ;
  • Rester en contact avec le salarié pour suivre sa progression et le rassurer sur le processus de reprise du travail.

6

Suivi du RAT

Manager

  • Assurer le suivi des aménagements de travail par un contact quotidien avec le salarié ;
  • Planifier des rencontres avec le salarié pour discuter de la progression du RAT et pour s’assurer que les conditions sont adaptées à ces besoins afin de favoriser son maintien au travail.

Coordonnateur du RAT

  • Effectuer un suivi régulier avec le salarié et le manager pour évaluer la progression du RAT et les besoins du salarié ;
  • Apporter les ajustements nécessaires à la démarche à la lumière des changements dans l’organisation du travail ou dans l’état de santé du salarié ;
  • Rester à la disposition du salarié et du manager au besoin pour discuter des préoccupations qui peuvent survenir une fois que le salarié a repris ses tâches régulières sans difficulté particulière pendant quelques semaines.

COMMENTAIRE DE NOTRE EXPERTE

Les résultats de l’étude sur les meilleures pratiques démontrent clairement qu’un RAT réussi et efficace devrait toujours impliquer le salarié touché à chacune des étapes. L’engagement du salarié dans la démarche a des répercussions positives et favorisera le maintien au travail à long terme. Le salarié doit rester au centre du processus et il peut devenir une personne ressource car il connait très bien son travail et peut générer des solutions innovantes.

Le processus en six étapes proposé dans cet article est certes applicable dans le cas des troubles musculosquelettiques et des troubles mentaux communs, mais des recherches récentes démontrent qu’il s’applique aussi parfaitement dans le cas du RAT chez les survivants du cancer. Il s’agit donc d’un processus général applicable à de nombreux problèmes de santé qui entraînent des absences prolongées.

POUR CITER CETTE INTERPRÉTATION SCIENTIFIQUE

Durand, M.J. & Fouquet, É. (2020). Retour au travail – l’affaire de tous ! Interprétation scientifique Global-Watch disponible au www.global-watch.com

POUR CITER LES ARTICLES ORIGINAUX DES ÉTUDES

Durand, M. J., Corbière, M., Coutu, M. F., Reinharz, D., & Albert, V. (2014). A review of best work-absence management and return-to-work practices for workers with musculoskeletal or common mental disorders. Work, 48(4), 579-589.