Rares sont ceux qui n’ont jamais eu à contacter une organisation dans un moment de frustration. La journée d’un agent de service à la clientèle consiste la plupart du temps à gérer les émotions négatives des clients, mais toujours avec le sourire. Le sourire, bien qu’il puisse être authentique, peut aussi servir de façade, surtout dans un contexte où le travail d’un salarié l’exige. Ce masque peut toutefois devenir épuisant. Ce phénomène n’est pas nouveau dans la recherche et porte le nom de travail émotionnel.
C’est sur cette thématique que Picard et collaborateurs (2018) ont travaillé, en examinant de quelle façon le travail émotionnel est associé à l’épuisement émotionnel et à la performance de service des salariés d’un centre d’appels.
Légende :Recommandation de notre experte
Conseillère experte:
- MICHEL COSSETTE, professeur au département de gestion des ressources humaines, HEC Montréal
Rédacteurs:
- Étienne FOUQUET, auxiliaire de recherche, Université de Sherbrooke
MARIE-ÉLISE LABRECQUE, professionnelle de recherche, Université de Sherbrooke
Cette initiative a été rendue possible grâce à une collaboration avec l'Université de Sherbrooke.
QU’ENTEND-ON PAR :
Le travail émotionnel
Il s’agit d’un travail dans lequel des émotions doivent être exprimées en fonction de ce qui est socialement attendu. C’est le cas d’un travail qui implique du service à la clientèle, dans le cadre duquel un salarié doit afficher les émotions attendues de l’organisation pour répondre aux clients.
Le travail émotionnel peut s’exprimer de trois façons :
- Par la régulation de profondeur, c’est-à-dire la gestion ou la modification de son état émotionnel intérieur pour arriver à afficher les émotions attendues de l’organisation. L’impact des propos déplaisants d’un client peut ainsi être diminué en détournant l’attention de la colère et en mettant plutôt l’accent sur les éléments concrets de la problématique du client.
- Par la régulation de surface, qui consiste à cacher une émotion ou à prétendre ressentir une émotion pour satisfaire aux exigences de l’organisation. Il peut s’agir de sourire, sans nécessairement ressentir de la joie ou cacher l’irritation devant un client mécontent.
- Par l’expression naturelle des émotions, qui correspond à l'expression naturelle des émotions ressenties. Toutefois, comme les exigences de l’organisation ne permettent pas d’exprimer des émotions négatives envers la clientèle, il s’agit surtout de l’expression des émotions positives.
Les formes de travail émotionnel varient en fonction du degré d’authenticité vécu par les salariés. L’authenticité est le sentiment complet de choix et d’expression de soi qui peut protéger contre l’épuisement émotionnel.
L’épuisement émotionnel
Il s’exprime par un manque d’énergie et une grande fatigue émotionnelle. Autrement dit, l’épuisement émotionnel est le sentiment d’être drainé de son énergie. Une personne épuisée émotionnellement a ainsi de la difficulté à se lever pour se rendre au travail, n’a plus d’énergie à la fin de sa journée et se sent vidée.
La performance de service
Il s’agit de l’adoption d’émotions positives et de comportements d’aide envers la clientèle, avec une attitude chaleureuse, amicale et authentique. Autrement dit, cela revient à servir le client avec le sourire, de façon à ce que les clients perçoivent que le sourire est authentique et senti.
Méthode
- Pays : Québec, Canada
- Recrutement des participants : Les participants provenaient d’un centre d’appel du secteur des assurances.
- Nombre de participants : 215
- Méthode utilisée : Questionnaires individuels administrés sur place par les chercheurs.
- Nombre de femmes : 58,1%
- Âge moyen : 30,27
- Ancienneté moyenne : 1,25 ans
Que révèlent les résultats de l’étude?
Les résultats de l’étude démontrent que les différentes formes de travail émotionnel ont des effets sur l’épuisement émotionnel et la performance de service.
- Les personnes exprimant naturellement leurs émotions positives au travail sont les moins susceptibles de vivre de l’épuisement émotionnel et démontrent une meilleure performance de service.
- Comme la régulation de surface est la forme qui demande le plus d’efforts à une personne pour soit cacher, soit supprimer une émotion, elle est la plus susceptible de causer l’épuisement émotionnel. Toutefois, il semble qu’elle n’affecte pas de façon significative la performance de service. Ce qui laisse croire que ce type de régulation a des effets négatifs sur la santé mentale des salariés, mais pas sur la performance.
Comment accéder à la suite de l'article?
Vous avez déjà un compte?
Accéder à l'interprétation scientifique