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Interprétation scientifique - Tâches illégitimes qui contaminent le travail

L’attribution des tâches en entreprise constitue un exercice de management/direction si commun et routinier qu’il ne nous vient pratiquement jamais à l’esprit de remettre en question nos façons de faire en la matière. L’exercice ne pose d’ailleurs généralement pas de problème, puisque les salariés/employés (ci-après nommés salariés) sont embauchés en fonction de leurs compétences et que leur travail gravite autour de celles-ci. Là où ça se corse, c’est lorsque les salariés se voient attribuer des tâches qui ne relèvent pas de leur expertise ou des tâches qui leur semblent… inutiles.

Ces tâches sont nommées « tâches illégitimes », car elles s’écartent du rôle attendu du salarié ou de son champ de compétences. Elles affectent directement son bien-être, le plaçant dans une situation professionnelle inconfortable. Pindek et coll. (2018) se sont ainsi intéressés à la relation entre le bien-être des salariés et l’implication des managers/gestionnaires dans l’attribution de tâches illégitimes, dans une étude menée auprès d’ingénieurs de la Floride. Il en ressort, notamment, que l’attribution de tâches illégitimes génère de l’insatisfaction, surtout lorsqu’elle est perçue comme le fruit d’une mauvaise décision managériale/de gestion. Qui plus est, certaines personnes démontrant un biais d’attribution hostile seraient davantage susceptibles de vivre des émotions négatives envers ce type de tâches. Comment alors cibler les tâches illégitimes et éviter de les attribuer?

AUTEURS:
  • MARIE-ÈVE MAJOR, professeure agrégée d’ergonomie, Faculté des sciences de l’activité physique, Université de Sherbrooke
    ÉTIENNE FOUQUET, auxiliaire de recherche, Université de Sherbrooke professeure agrégée d’ergonomie, Faculté des sciences de l’activité physique, Université de Sherbrooke 
    MARIE-ÉLISE LABRECQUE, professionnelle de recherche, Université de Sherbrooke

Cette initiative a été rendue possible grâce à une collaboration avec l'Université de Sherbrooke.


QU’ENTEND-ON PAR :

Bien-être

Dans cette étude, le bien-être est défini comme les perceptions d’émotions positives d’un salarié. Ainsi, lorsqu’une personne se sent frustrée, en colère ou stressée, elle percevra une diminution de son bien-être personnel.

Tâches illégitimes

Les tâches illégitimes consistent en des tâches qui sont perçues comme allant à l’encontre de ce qui est normalement attendu d’un salarié dans son travail. Elles se divisent en deux catégories : les tâches déraisonnables et les tâches inutiles.

Les tâches déraisonnables sont celles qui requièrent un niveau d'expérience et d'expertise largement supérieur ou inférieur à celui du salarié auquel la tâche a été assignée. Elles incluent également les tâches encadrées par des règles inutilement restrictives.

Dans cette situation, le salarié peut être affecté à une tâche pour laquelle il n’a pas été embauché ou formé. Il serait déraisonnable, par exemple, de demander à une conseillère d’assurer des tâches de réception. De la même façon, des tâches peuvent être considérées comme déraisonnables lorsqu’elles sont attribuées à un salarié alors qu’elles relèvent des fonctions d’un autre salarié, plus à même de les réaliser. Par exemple, demander à un agent au service à la clientèle de faire des analyses financières ou de produire des recommandations. Enfin, les tâches encadrées par des règles trop ou inutilement restrictives peuvent être considérées comme des tâches déraisonnables. Pensons par exemple à un préposé à la réception à qui l’on demande d’attendre les clients sans penser à lui donner des tâches qui pourraient être réalisées en parallèle.

Les tâches inutiles sont des tâches ou des pratiques inefficaces qui peuvent se traduire, par exemple, par des caprices des managers/gestionnaires ou de l’organisation. Elles font référence aux tâches qui doivent être accomplies d’une certaine manière sans raison particulière.

Sont aussi considérées comme inutiles les tâches qui ne devraient pas du tout être effectuées ou qui auraient pu être évitées. Pensons aux documents qui doivent être remplis, mais qui ne seront jamais consultés! Les tâches peuvent également être considérées comme inutiles parce que la tâche elle-même est inutile ou ne sert à rien (par exemple, placer les magazines d’une salle d'attente par ordre alphabétique chaque matin).

Cela dit, certaines tâches peuvent être à la fois déraisonnables et inutiles à des degrés divers.

Biais d’attribution hostile (BAH)

Il s’agit de la tendance de certaines personnes à considérer les autres comme les responsables des événements indésirables auxquels elles sont confrontées. Les personnes présentant un niveau élevé de BAH seraient plus susceptibles d'interpréter une tâche comme illégitime en s’appuyant sur des incidents parfois mineurs ou sur des éléments de la tâche légèrement discutables. Ces personnes seraient également plus enclines à croire que leur affectation à une tâche découle d’une intention négative délibérée.

CE QU’IL FAUT RETENIR?

Les salariés sont susceptibles d’associer les tâches illégitimes à de mauvaises pratiques de management/ gestion, ET les tâches déraisonnables suscitent davantage d’émotions négatives que les tâches inutiles, surtout chez les personnes démontrant un niveau élevé de BAH.


Une méthode double

Cette étude a été menée auprès de 420 ingénieurs salariés de Floride, aux États-Unis. En tout, 78,7 % d’hommes et 21,3 % de femmes composaient l’échantillon. L’âge moyen était de 52 ans, le nombre moyen d’années à l’emploi de 12 ans et le nombre d’heures travaillées par semaine de 45,6 heures en moyenne.

L’originalité de l’étude repose, entre autres, sur sa méthodologie. Les auteurs ont opté pour une méthode double, à savoir :

  • une portion qualitative, pour mieux comprendre la perception des salariés vis-à-vis des tâches illégitimes et leurs conséquences. Les participants devaient répondre à quatre questions ouvertes visant à recueillir des exemples précis de situations où des tâches qui leur avaient été attribuées étaient perçues comme illégitimes.
  • une portion quantitative, afin de différencier les types de tâches illégitimes et de cibler leurs mécanismes. Les participants devaient évaluer, à l’aide d’échelles de mesure, les processus conduisant à percevoir comme illégitime une tâche assignée, à considérer de façon négative la source de cette attribution et à ressentir une réaction émotionnelle négative face à cette tâche.
 

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